
Systèmes de ventilation du carter sur les moteurs Ventoux
Respirer ou exploser : comment Renault a résolu le problème de la ventilation du carter sur les moteurs Ventoux des années 1950 et 1960
Le principe général
Dans un moteur à combustion, une petite partie des gaz de la chambre de combustion passe entre les segments de piston dans le carter : c’est le blow-by.
Ce mélange de gaz et de vapeur d’huile augmente la pression interne et, s’il n’est pas correctement évacué, pousse l’huile à travers les points faibles : joints d’étanchéité, joints d’huile ou même jauge d’huile.
La mission du système de ventilation du carter est aussi simple que vitale : maintenir la pression interne équilibrée et permettre à ces gaz de s’échapper sans entraîner d’huile.
Dans les moteurs modernes, une soupape PCV relie le carter à l’admission, en utilisant la dépression du collecteur pour aspirer les gaz.
La fonction principale du reniflard de carter est de soulager la pression accumulée par les gaz d’échappement qui s’échappent des cylindres, en empêchant cette pression de forcer l’huile à sortir par les joints et les garnitures d’étanchéité. Si la ventilation est insuffisante ou obstruée, le moteur essaiera d’expulser la pression “là où il peut”, ce qui provoquera des fuites d’huile au niveau des joints et des garnitures, voire un éclatement partiel de la jauge d’huile. Ce système est souvent négligé, mais sur les moteurs anciens, une ventilation insuffisante peut être le “coupable silencieux” d’une consommation d’huile anormale et de fuites persistantes.
Respiration du carter dans les moteurs Ventoux
Les moteurs Renault Ventoux (4CV, Dauphine, Gordini, Ondine et premiers Floride) n’ont pas de dépression d’admission: ils s’appuient sur des évents passifs et sur l’équilibre des pressions naturelles à l’intérieur du bloc et utilisent un système ouvert qui laisse les gaz et les vapeurs d’huile s’échapper directement dans l’atmosphère.
Tout au long de la vie du moteur Ventoux, Renault a adopté différentes solutions : du simple bouchon de reniflard avec grille aux tuyaux de ventilation situés dans le cache-culbuteur ou dans le bloc. Nous allons maintenant examiner l’évolution historique de ces solutions en fonction des versions du moteur (identifiées par des références telles que Type 662 sur la 4CV, 670-01/02 sur la Dauphine standard, 670-04 et 670-05 sur la Dauphine Gordini.
Premières versions : Renault 4CV (moteur Type 662)
La petite Renault 4CV, produite à partir de 1947, inaugure la famille des moteurs Billancourt/Ventoux avec des cylindrées de 760 cc (version initiale Type 662-1) puis 747 cc (Type 662-2). Dans les premières années, la ventilation du carter de la 4CV était confiée à :
- Un reniflard était le bouchon de remplissage d’huile lui-même, conçu avec un élément filtrant interne pour permettre aux vapeurs de s’échapper. Cette configuration était typique des moteurs de l’époque, dépourvus de raccords de filtre à air ou de clapets anti-retour.
- Un évent situé sur le côté droit du bloc moteur qui évacue la surpression vers l’atmosphère. Un évent dont la longueur du tube (exactement 67 mm) était soigneusement mesurée pour générer l’écoulement des gaz, favorisant ainsi leur évacuation par effet Venturi pendant le fonctionnement du véhicule, et évitant que cet évent ne devienne une source de “contre-pression” vers le carter (provoquant l’effet inverse de celui recherché). Vous pouvez voir ici une illustration du manuel de l’époque
Sur certaines versions plus récentes de la Renault 4CV, il est possible de trouver un tuyau de reniflard supplémentaire situé au sommet du moteur. Ce tuyau sortait du cache-culbuteur et permettait une “ventilation” plus efficace des gaz du carter.
En d’autres termes, la 4CV (selon les versions) en est venue à avoir trois points de respiration disponibles sur lesquels il était possible d’installer un bouchon fermé ayant alors soit deux points de respiration (pipette dans le bloc moteur+tube de sortie du cache-culbuteur)- soit trois points de respiration (pipette dans le bloc moteur+tube de sortie du cache-culbuteur+bouchon ventilé).
Quoi qu’il en soit, la criticité de ces points est empiriquement prouvée, les propriétaires de 4CV rapportant que le nettoyage de ces évents a des effets immédiats : “J’ai nettoyé le bouchon reniflard et il semble que le moteur ne fuit plus d’huile” a déclaré un propriétaire d’une 4CV de 1959, illustrant comment l’obstruction du bouchon ventilé pouvait provoquer des fuites qui ont été résolues en restaurant l’évent (en fait, nous pouvons également en témoigner:-)).
Première image (photo), le reniflard classique du bloc moteur de la Renault 4CV : un tube calibré qui évacue les vapeurs de carter vers l’extérieur.
Deuxième image (dessin), le schéma original du manuel d’atelier indiquant la longueur exacte (67 mm) que le tube doit dépasser, ce qui est essentiel pour éviter à la fois l’entrée d’air par effet Venturi et la projection d’huile vers l’extérieur.
Renault Dauphine standard (moteur type 670)
La Renault Dauphine (projet R1090), lancée en 1956, était équipée d’une version agrandie du moteur Ventoux – 845 cc – connu sous le nom de Type 670-01 (27-31 bhp selon la norme). Dès le début, la Dauphine a incorporé un système de ventilation très similaire à celui de la future 4CV, c’est-à-dire un reniflard fixe monté sur le bloc et un bouchon de remplissage ventilé. Le système de reniflard monté sur le bloc a disparu sur le moteur 670-02 et n’est plus apparu sur la Dauphine (ou Gordini), laissant place soit au bouchon ventilé, soit au tuyau latéral (670-05), soit à une combinaison des deux.
Sur le moteur Renault 670-04, la ventilation du carter se faisait par l’intermédiaire d’un bouchon de remplissage avec reniflard intégré, visible sur le dessus du cache-culbuteur. Ce bouchon, muni d’une petite crépine métallique, permettait aux gaz de carter de passer à l’extérieur, ce qui maintenait la pression interne équilibrée.
Le bouchon comportait également un petit déflecteur interne qui jouait le rôle de séparateur d’huile, empêchant les gouttelettes en suspension de s’échapper en même temps que les vapeurs. Ce système, bien que simple, s’est avéré efficace pour les vitesses et les conditions d’utilisation de la Dauphine standard et a servi de base à Renault pour développer les moteurs Ventoux 670-05 des versions Gordini.
Quoi qu’il en soit, la fonction du bouchon ventilé et de la sortie d’échappement du cache-culbuteur était de retenir les particules d’huile (qui s’écoulaient dans le moteur) et de ne laisser passer que les gaz d’échappement.
La Dauphine, comme la R4CV, ne recycle pas non plus ces gaz à l’admission, elle les expulse. Comme le souligne une publication technique, les moteurs du Ventoux utilisaient ces échappements atmosphériques directs pour toute leur ventilation.
En pratique, une Dauphine en bon état ne fumait pratiquement pas par le reniflard, mais sur les modèles usés, il était notoire de voir le “second échappement” souffler une fumée blanche bleutée par le tuyau du cache-culbuteur. Il s’agissait là d’un symptôme de blow-by excessif (segments de piston usés) et non d’une défaillance du reniflard lui-même. Cependant, si le reniflard était bouché, même si le moteur était sain, la pression interne augmentait rapidement sur la route, avec des résultats désastreux : l’huile était expulsée par les joints, la jauge d’huile était éjectée et le carter se vidait en l’espace de quelques kilomètres.
Versions sportives Gordini : moteurs 670-05
Renault a proposé à partir de 1957-58 une version motorisée de la Dauphine développée par Amédée Gordini. Fin 1960, une évolution identifiée comme Type 670-05 est apparue, avec une puissance de 40 ch SAE, ~36 ch DI mais avec des changements de conception interne. En ce qui concerne le système de ventilation du carter, y avait-il des différences ?
La réponse est oui, principalement en raison des améliorations apportées au système de rétention de l’huile sur le vilebrequin arrière (c’est-à-dire du côté de la boîte de vitesses).
Sur le moteur 670-05 (utilisé à partir de 1960 sur les Gordini R1091/1092, et également sur la R8 de base des années plus tard), une modification a été introduite à l’arrière du vilebrequin : une cannelure hélicoïdale en “queue de cochon” autour du tourillon arrière, dont l’effet était de renvoyer l’huile dans le moteur par action centrifuge.
Cette conception (similaire à celle utilisée sur les moteurs VW et d’autres moteurs de l’époque) améliorait l’étanchéité au niveau de la sortie arrière en réduisant les fuites d’huile, bien qu’il n’y ait toujours pas de joint d’huile en caoutchouc. Renault, s’appuyant sur cette amélioration, a supprimé le bouchon d’huile ventilé sur les 670-05, les équipant d’un bouchon scellé normal. En d’autres termes, sur les Gordini 670-05, le seul passage respiratoire actif était le tuyau de carter supérieur (cache-culbuteurs).
En théorie, l’hélice en queue de cochon devrait suffire à contrôler l’huile et la ventilation d’origine était suffisante. Que pourrait-il se passer dans la pratique ?
- Pour le reniflard, la zone de filtration de l’huile et des gaz se trouve à l’intérieur du cache-culbuteur, de sorte qu’une obstruction par des saletés n’est pas évidente à voir. Et si cette sortie est obstruée, le fait qu’elle soit la seule signifie que la fonctionnalité d’évacuation des gaz de carter est sérieusement compromise.
- Si, pour une raison quelconque, un vilebrequin plus ancien est monté sur un moteur 670-05 – avec des cannelures droites uniquement, ce qui, bien que moins efficace que la queue de couchon pour la rétention de l’huile, est techniquement possible – la ventilation d’origine peut s’avérer insuffisante.
C’est ce qui s’est passé lors de la restauration de notre Gordini il y a quelques semaines: un vilebrequin neuf de l’ancien stock (type cannelure fine, correspondant au moteur 670-04) a été installé dans un bloc 670-05. Le résultat était que, même avec un reniflard de couvercle propre, le moteur laissait encore échapper de l’huile par la cloche d’embrayage en cas d’utilisation intensive.
Il est important de mentionner que les systèmes de rétention d’huile sans joints en caoutchouc basés sur l’usinage de cannelures ou de spirales fonctionnent bien, mais ils reposent sur un principe : les pressions de part et d’autre de la paroi du carter d’huile doivent être équilibrées. En cas de surpression, les cannelures ou les spirales deviennent précisément le chemin de fuite.
Une solution consiste à ajouter la ventilation qui manquait à ces “vieux” vilebrequins à simple cannelure : remplacer le bouchon scellé par un bouchon de remplissage d’huile ventilé du même type que celui utilisé sur les anciens moteurs Ventoux (certaines 4CV, Juvaquatre et Dauphine de série). Ce bouchon spécial incorpore un évent avec une grille, ce qui augmente le débit de ventilation du carter.
Avec le bouchon ventilé supplémentaire, le problème de surpression – et de “libération” de l’huile – sur notre Gordini a complètement disparu. En fait, Renault lui-même est revenu à l’utilisation des deux évents sur la
Comment vérifier le système de ventilation d'un moteur Ventoux ?
A l’époque, on l’attribuait à une éventuelle fissure dans le carter, à des joints détériorés ou encore à un additif ajouté quelques jours plus tôt pour “nettoyer” le circuit de lubrification.
- Vérifiez le cache-culbuteur :
- Démontez et nettoyez soigneusement la chambre intérieure. Vous pouvez le faire avec de l’essence et une brosse ou avec un puissant dégraissant pour moteur.
- Assurez-vous que la sortie de 14 mm n’est pas obstruée par d’anciens dépôts.
- Si le tuyau présente un coude ou une extension, vérifiez qu’il n’y a pas de condensation ou d’huile solidifiée à l’intérieur.
- Vérifiez le tube latéral du bloc (s’il y en a un) :
- Vérifiez la longueur et la position (sur la 4CV : 67 mm à partir de la base).
- Vérifiez que le tuyau n’est pas plié ou obstrué par de la peinture, du mastic ou de la saleté.
- Vérifiez qu’il n’y a pas de résidus d’huile : une légère pellicule est normale, un écoulement continu ne l’est pas.
- Bouchon d’huile :
- S’il s’agit d’un modèle ventilé, nettoyez la grille métallique interne avec de l’essence ou un solvant.
- S’il est fermé et qu’il n’y a pas d’autre évent actif que vous suspectez, vous pouvez le remplacer temporairement par un autre évent pour voir si les fuites disparaissent. Vous pouvez l’obtenir ici (Espagne) y ici (France)
- Essai pratique : lorsque le moteur tourne au ralenti, placez votre main autour des sorties du reniflard. Vous devez percevoir un léger “cliquetis” pulsé, rythmé par la sortie des gaz d’échappement du moteur. Si vous accélérez doucement, vous ne devriez pas remarquer de fumée.
Conclusion technique
Dans tous les moteurs, la ventilation du carter n’est pas un détail mineur : elle fait partie de l’équilibre dynamique du moteur.
Si vous constatez des fuites d’huile importantes ou des baisses de niveau d’huile que vous ne parvenez pas à expliquer, demandez-vous si le reniflard du carter n’en est pas la cause. N’oubliez pas qu’en cas de surpression, les vapeurs tentent de s’échapper par le point le plus facile ou le plus faible. Dans notre cas, elles se sont d’abord échappées en brisant un joint d’huile détérioré, puis par la sortie arrière du vilebrequin.
Dans le cas des pertes par surpression, il est facile de confondre les conséquences et les causes.
Dans le cas des moteurs Ventoux : Un bouchon propre et ventilé, un tube de cache culbuteur clair et – si présent – un reniflard latéral correctement calibré assurent la bonne pression du carter et évitent les fuites sans avoir besoin d’additifs ou de miracles. Pour n’importe quel moteur de votre voiture, je vous suggère de consulter la documentation technique car vous y trouverez certainement l’endroit où vérifier les contrôles du reniflard de carter.
